RDC: ce que l’on sait « des relations troubles » Tshisekedi-Kabila, Kabila-occident (récit de Barnabe Kikaya)

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Photo: Joseph Kabila et Félix Tshisekedi

Dans les salons huppés de la ville haute, des rencontres politiques s’organisent avec pour thématique étrange l’arrestation de Joseph Kabila (sic) et son transfèrement à la CPI (resic). Coïncidence : apparaît au même moment un montage sonore attribué à Sonia Rolley de RFI suggérant l’exil du sénateur à vie à partir de son séjour dans le Grand Katanga. 

Un responsable du cabinet du Président de la République se charge d’ailleurs d’en faire la promotion dans les réseaux sociaux. Il n’y a pas que le Raïs à être visé. Ses proches le sont aussi. Ambassadeur de l’Union européenne, Jean-Marc Châtaigner botte en touche à la question relative aux sanctions prises par son organisation.

“Nous lèverons ces mesures lorsque les enquêtes seront menées par la justice congolaise”, déclare-t-il à l’occasion du renouvellement de ces sanctions. Déjà, à sa prise de fonction, le diplomate les avait considérées comme relevant de la souveraineté des Etats membres de l’Union Européenne. 

Ce qui précède traduit en réalité une volonté délibérée de neutraliser au sens propre ou au sens péjoratif Joseph Kabila et sa famille politique, l’annonce par le chef de l’Etat de l’effritement de la majorité présidentielle dans son discours du 6 décembre 2020 la veille de la déchéance cavalière du Bureau Mabunda faisant foi. 

Qui est-il cependant, Joseph Kabila Kabange ? Pour la symbolique, c’est le premier président de la République Démocratique du Congo en 60 ans d’indépendance de son pays à actionner en faveur de son successeur l’alternance politique issue des élections. Pour la gouvernance, c’est le premier président vivant, à détenir l’expérience avérée de la fonction présidentielle. 

L’histoire rapporte, en effet, que Joseph Désiré Mobutu, en bonne santé, avait succédé à Joseph Kasa-Vubu politiquement et diplomatiquement affaibli. Laurent-Désiré Kabila, en bonne santé, avait succédé à Mobutu physiquement, politiquement et diplomatiquement affaibli. Joseph Kabila, en bonne santé, avait succédé à Laurent-Désiré Kabila assassiné en étant politiquement et diplomatiquement affaibli, et Félix Tshisekedi, en bonne santé, succède à Joseph Kabila , bien que politiquement et diplomatiquement affaibli.

La constante à retenir est que les quatre prédécesseurs de Felix Tshisekedi sont arrivés au pouvoir avec la bénédiction de l’axe Washington-Bruxelles. Paradoxalement, c’est par cet axe qu’ils ont commencé à avoir des problèmes politiques dans leur pays, suivis des problèmes diplomatiques à l’étranger et, évidemment, des problèmes économiques et sociaux qui en ont résulté avec impact négatif sur le vécu du congolais lambda.

Kasa-Vubu n’avait pas eu le temps de prévenir ses compatriotes de ses déboires avec les Occidentaux. Il n’a même pas écrit. Mobutu non plus. D’ailleurs, il semble avoir signé son arrêt de mort lorsqu’au début de la transition 1990-1997, il déclare disposer de dossiers. Mzee Kabila n’en eut pas le temps non plus. 

Le premier et unique chef d’État vivant qui puisse nous édifier sur les relations entre Kinshasa et ses partenaires extérieurs est Joseph Kabila.

ENCOURAGER LA RUPTURE

Que sommes-nous en train de faire à son égard ? Exactement ce que nos grands-parents, nos parents et nos aînés avaient fait à leur époque : haïr par procuration Kasa-Vubu, Mobutu, L-D. Kabila à partir de la machine à diaboliser alimentée de l’extérieur avec des révélations sur ceci ou cela, le relais étant assuré au pays par les mêmes réseaux constitué de partis, médias, ONG, mouvements sociaux acquis à une opposition sponsorisée.

Le cas de ces partis politiques bénéficiaires de la machine à diaboliser, est pathétique. Il y en a qui ont passé des décennies dans la lutte politique  comme opposants. Sous prétexte de pratiquer la non-violence, ils ont versé dans la violence physique et verbale. Leur avènement au pouvoir a enfin  révélé leur véritable face. 

Prenez l’UDPS par exemple. Arrivé aux affaires dans les conditions connues, il a géré seul (cabinet du président de la République) le programme des 100 jours dont le financement, disponible, a été évalué à plus de 400 millions de dollars américains. Hormis les maisons préfabriquées ayant consommé à elles seules 57 millions imputés à Vital Kamerhe condamné à 20 ans, aucun redressement n’est encore opéré pour savoir ce qui a été fait du pactole. 

Entendre aujourd’hui que pour inaugurer les 5 sauts-de-mouton de Kinshasa apprêtés, on a ordonné en procédure d’urgence le déblocage de 3 millions de dollars soulève cette question : où sont passés les 343 millions ! 

L’Inspection générale des finances, IGF en sigle,  préfère aller démontrer son expertise ailleurs alors qu’en tant que service attaché à la présidence de la République, elle est absente sur son terrain de prédilection.

Non ! On suggère plutôt la responsabilité de Joseph Kabila et de sa famille politique dans le blocage des actions de Félix Tshisekedi. Subtils, certains partenaires extérieurs, lents à soutenir ce dernier dans la recherche des investissements, sont plutôt prompts à l’encourager dans sa croisade contre son prédécesseur et ex-partenaire dans la coalition.

Joseph Kabila et George W.Bush à Washington

DE L’ENFANT CHERI DE 2001 A LA BETE NOIRE A PARTIR DE 2007

Qui est Joseph Kabila, passant aujourd’hui pour la bête noire des Occidentaux confondus aux partenaires extérieurs. Comme ce fut le cas de L-D. Kabila, de Mobutu et de Kasa-Vubu. Ou comme ce sera le cas demain de Félix Tshisekedi?

Lorsque le 18 janvier 2001, il succède à son père Laurent-Désiré Kabila assassiné deux jours plus tôt, il sait ce que représente le Congo aux yeux des Occidentaux : un enjeu hyper-stratégique. Il est au courant des convictions de Bill Richardson exprimées devant le congrès américain le 5 novembre 1997, soit quatre ans presque avant de devenir chef d’Etat : “Le Congo est un élément essentiel des intérêts américains en Afrique. Ce pays renferme des opportunités économiques énormes” au motif que le pays dispose de 13 % du potentiel hydroélectrique mondial, 25 %  des réserves mondiales de cobalt, 18 % des réserves mondiales des diamants industriels, 6 % des réserves mondiales de cuivre. Il a entendu Bill Richardson renchérir : « Le moteur de croissance du centre de l’Afrique est le Congo » et que « La stabilité du Congo signifie la stabilité pour la plus grande partie de l’Afrique ».

Lorsqu’il est reçu en audience à la Maison Blanche par Georges Bush père, Joseph Kabila déclare : “Je suis venu remettre le Congo sur la table des décideurs pour un partenariat gagnant-gagnant”. 

Que s’est-il passé pour que l’enfant chéri de 2001 devienne la bête noire à partir des années 2007 ? Tout le monde a la réponse : principalement le rapprochement avec la Chine et le discours souverainiste, mais aussi la nouvelle loi minière qui revoit l’assiette fiscale de redevance au trésor publique ainsi que l’organisation des élections sur fonds propres.

Pour parler du seul contrat sino-congolais, il n’aurait pas existé, ou tout au moins dans sa forme initiale, si l’Occident avait tenu sa promesse faite aux Congolais en prévision du référendum de 2005 et des élections présidentielle et législatives de 2006. 

Le belge Louis Michel avec qui j’ai eu à échanger longuement sur le sujet est vivant : il avait encouragé les Congolais à participer à ces échéances parce que c’était la condition sine qua non au retour des investissements occidentaux en RD Congo.  Pour rappel, l’Union européenne avait financé ces élections à près de 90 %. Pour rappel aussi, les derniers investissements occidentaux remontent aux années 1985 ! De 1990 à 2006, on n’avait revu aucune société belge, française, américaine, allemande ou britannique du genre Acec, Goodyear, GM, Castel, Spie Batignole, Alcatel, Danzer Group, Eni. 

Dans la tête du congolais lambda, les élections de 2006 devaient ramener ces entreprises génératrices d’emplois au pays. 

La suite? Comme c’est le cas pour 2019 et 2020 les deux premières années de pouvoir du Président Tshisekedi, 2007 était passée, et 2008 s’était annoncée sans le moindre engagement de financement  rassurant. Ou plutôt si : la Banque mondiale s’était  signalée avec 150 millions de dollars.  

Lassé d’attendre des promesses devenues plutôt évasives avec tous les risques de remise en cause des acquis de la première présidentielle libre et pluraliste en 46 ans d’Indépendance, Joseph Kabila, à son corps défendant, décidera de regarder vers Beijing sans pour autant tourner le dos aux partenaires occidentaux de la RDC! Voilà l’origine du contrat sino-congolais fondé sur le principe du troc « infrastructures de base en contrepartie de l’exploitation minière ». 

Aujourd’hui, le débat ne porte pas sur ce contrat mais sur l’accusation à charge de Joseph Kabila d’avoir privilégié la Chine au détriment des pays occidentaux alors que c’est plutôt l’Occident, souverain dans ses choix, qui n’a pas tenu parole ! Parmi ces choix, celui de placer le Congo dans l’assistance humanitaire qui, elle, n’a jamais développé un seul pays au monde. C’est connu. 

PROTEGER KABILA, C’EST SAUVER LE CONGO

On ne peut pas être chef d’Etat en RD Congo et ignorer l’enjeu que représente ce pays dans le vécu de la planète Terre. Avant-hier Joseph Kasa-Vubu et Mobutu Sese Seko, hier Laurent-Désiré Kabila et Joseph Kabila, aujourd’hui Félix Tshisekedi, probablement demain quelqu’un d’autre : tout président congolais sait qu’il porte sur lui la responsabilité gigantesque, énorme, de garantir les acquis du mode de vie idéalisé par l’Occident. Ce mode de vie est appelé « civilisation judéo-chrétienne ». Y aspirent toutes les autres civilisations du monde avec pour symbolique la société de consommation « édenisée » comme dans ce jardin biblique imagé dans notre subconscient collectif. 

Le congolais est tenu au devoir de savoir qu’il y a un prix pour sa préservation : l’Accord général de Berlin ouvrant le bassin de son Congo au commerce mondial.

Pour l’heure, le seul Congolais à le connaître est Joseph Kabila Kabange obligé d’édifier son successeur et, par ricochet, ses successeurs. Malheureusement, c’est contre lui (et ses proches) qu’une chasse aux sorcières stupide et idiote s’organise, comme si après avoir livré Kasa-Vubu, Mobutu et L-D. Kabila aux parrains, le Congo a vu des investissements extérieurs, principalement occidentaux, venir à flots. 

S’il est une leçon à en tirer pour tous les Congolais, c’est celui de considérer le salut de Joseph Kabila Kabange comme celui de la République Démocratique du Congo, notre patrimoine commun.

Barnabé Kikaya Bin Karubi,

Ancien député, Professeur, Université de KINSHASA, Faculté des Lettres, Département des Sciences de l’Information et de la Communication, KINSHASA, RD Congo.

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