RDC : de l’opacité à la transparence des contrats de 2,3 milliards USD: que reste-t-il de la Sokimo? [Rétro 2020]

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En date du 18 janvier 2020, AJN Resources Inc. a signé un Protocole d’Accord (MoU) avec la Société minière de Kilo Moto (SOKIMO). Le contrat prévoit la cession de 10% des parts de la SOKIMO dans Kibali Gold à la société minière AJN Resources Inc. Quelques mois avant, par Arrêté ministériel respectivement n°0619, 0620 et 0621 du 29 novembre 2019, les cessions totales des trois Permis d’exploitation de la SOKIMO à la société KODO Resources Sarl ont été approuvées par le Ministre des Mines en faveur de la Société Kodo Resources Sarl.

La valeur marchande du gisement Kibali Sud, dans lequel la SOKIMO détenait les parts cédées à AJN Ressources, des réserves aurifères certifiées sont évaluées à 1,5 millions d’onces et équivalent à 2,3 milliards USD au prix actuel de l’once d’or. Ces deux protocoles d’accord avaient été qualifiés par les organisations de bradage des ressources naturelles, qui appellent les autorités à la résiliation desdits contrats.

Dans ce protocole d’accord, AJN Resources a été chargé de lever environ 20 millions de dollars canadiens sur le marché international pour développer la mine. Dans un communiqué, la Ligue Congolaise contre la corruption (LICOCO) a dénoncé la signature du Protocole d’accord entre la SOKIMO et AJN.

“La valeur financière des 10% des parts de la SOKIMO dans Kibali Gold, cédé à AJN, sur les dix prochaines années d’existence de la mine représenterait une valeur financière de plus de sept milliards de dollars américains”, a indiqué Ernest Mpararo de la LICOCO. Pourquoi céder 10% des parts de SOKIMO à une société sans histoire minière qui va mobiliser quelque 17 millions USD ?, s’est-il interrogé d’un ton ferme.

Conflit d’intérêt, bradage des ressources naturelles 

Les actionnaires de AJN, dont certains en sont les dirigeants ont travaillé comme responsables des sociétés partenaires de la SOKIMO ou d’autre societé en RDC, a déclaré à Tsieleka.com le collectif d’ong oeuvrant dans le secteur des ressources naturelles, regroupé au sein du consortium  “le Congo n’est pas à vendre”. 

Sur cette longue liste, on retrouve  Klaus Peter Eckhof (President, Chief Executive Officer & Director d’AJN), fondateur de Moto Goldmines Australia Pty Ltd, et Président de Amani Gold Ltd., une société qui détient 65% de part dans le Projet Giro Goldfields avec la SOKIMO qui y a 35% ; Mark Richard Gasson (Independent Director de AJN) a été Exploration Manager chez Amani Gold Ltd., Executive Director-Exploration chez Tiger Resources Ltd., Independent Non-Executive Director chez Alphamin Resources Corp ; Nigel Munro Ferguson (Chief Financial Officer & Director de AJN) est présentement Managing Director & Director chez Okapi Resources Ltd. 

Pour la société civile, AJN Ressources est une société montée de toute pièce et ne dispose d’aucune expérience dans le secteur minier. Le Protocole d’Accord SOKIMO & AJN Resources Inc, qui réduit l’Etat congolais, actionnaire unique de la SOKIMO à un niveau plus bas par rapport à une entreprise junior. 

Barrick Gold Corporation dénonce le contrat 

Kibali Gold Mine SA est une joint-venture dans laquelle Barrick Gold Corporation détient 45% de part, de même pour AngloGold Ashanti et la SOKIMO qui en possède 10%. 

L’annonce par la SOKIMO de la vente de ces 10% a suscité la colère de Barrick. Dans un communiqué publié le 20 février 2020 à Kinshasa, cette société a dénoncé le vice de procédure dans la signature de ce protocole d’accord entre la SOKIMO et AJN Ressource.

“La SOKIMO est liée par un contrat avec Barrick et à AngloGold Ashanti, son partenaire de coentreprise. Elle ne peut pas vendre ou transférer ses actions dans Kibali Goldmines SA, propriétaire de la mine d’or de Kibali, sans leur approbation. Cette approbation n’a pas été demandée et ne sera pas accordée”, a souligné le président et directeur exécutif de Barrick, Mark Bristow,

En vendant ses parts de 10%, la SOKIMO sort définitivement de l’exploitation du gisement Kibali Sud. Pour certains experts miniers, cette sortie est une forme de liquidation de l’entreprise étatique, qui ne dispose plus d’un droit de préemption.

Un marché de gré à gré

Le 29 novembre 2019, à la surprise de tous, le Manistee des mines approuve la cession de trois permis d’exploitation de la SOKIMO une société appelée Kodo ressources. La cession de trois permis d’exploitation de la SOKOMO a la société KODO soulève beaucoup de questionnement dans le milieu des opérateurs miniers. Ces permis de Zeni et Kodo ont été auparavant cédés en 2000 par la SOKIMO à la minière de Zani-Kodo (MIZAKO).

“Cette entreprise a réalisé les activités d’exploitation en 2007 en effectuant 56.000 mètres de forage. Le gisement contient jusqu’à 3 millions d’onces d’or, souligne la société civile dans un courrier adressé au premier Ministre. La cession des parts a été effectuée de gré à gré, marquant un potentiel manque à gagner pour la république. Alors que le code minier révisé en 2018, prévoit une soumission à un appel d’offre des gisements étudiés ou considérés comme un actif d’une valeur importante connue”, a-t-elle ajouté.

Des contrats juteux cédés aux multinationales 

En date du 11 juillet 2005, l’OKIMO a signé avec KIBALI GOLD SPRL un contrat d’amodiation ayant pour objet de disposer d’une partie des droits miniers détenus par l’OKIMO dans la concession 38. En novembre 2006, l’OKIMO, Moto Goldmines Ltd. (une société de droit Colombie-Britannique) et Borgakim (une société de droit congolais) signèrent un protocole d’accord aux termes duquel elles ont convenu de la consolidation de périmètres amodiés aux filiales de Moto  Goldmines Ltd en RDC (BORGAKIM, Gorumbwa, Kibali, Blue Rosee et une partie de Rambi) dans le cadre d’un contrat d’amodiation unique portant sur un périmètre amodié de 1.841 km2.

En avril 2007, une commission a été mise sur pied par le Gouvernement congolais pour la revisitation de quelques contrats miniers conclus par les sociétés publiques de droit congolais. Le contrat de Moto Goldmines Ltd. a été revisité et en janvier 2008, Moto Goldmines Ltd racheta les intérêts de KIBALI GOLD SPRL en échange de numéraire et d’actions. Il devient alors le seul partenaire de OKIMO dans le projet de Kibali. Après la revisitation des contrats miniers, un contrat de joint-venture a été signé le 10 mars 2009 entre Moto Goldmines Ltd et l’OKIMO, qui donna création à Kibali Goldmines SPRL avec respectivement comme parts sociales 70% et 30%.

Le 15 Octobre 2009, Randgold Resources et AngloGold Ashanti ont acquis en commun Moto Goldmines, l’actionnaire majoritaire du projet Kibali, faisant ainsi l’acquisition de leur participation indirecte à 70 % dans Kibali Goldmines SPRL. Le 30 Octobre 2009, ces deux maisons mères ont acquis, indirectement, 20% des parts sociales supplémentaires ayant appartenu à la Société Minière de Kilo-Moto (SOKIMO) à travers l’une de leurs filiales, Kibali Jersey Ltd qui est devenu actionnaire direct dans Kibali Goldmines SPRL.17 Ainsi les parts restantes de la SOKIMO ne sont que 10% dans le projet Kibali.18 Kibali  Goldmines a désigné Randgold Resources Ltd comme développeur et opérateur du projet Kibali.   Avec l’avènement de l’OHADA, la Société Privée à Responsabilité Limitée (SPRL) devient Société à Responsabilité Limitée (SARL), la Société par Actions à Responsabilité Limitée (SARL) devient Société Anonyme (SA).

Le FMI exige la transparence des contrats

Depuis 2009, la Sokimo a vendu la majorité de ses permis d’exploitation juteux à des multinationales, dans le but de relever l’entreprise et résoudre la crise sociale qu’elle traverse depuis des années. Entre 2009 et 2016, SOKIMO a perçu un montant variant entre 154 567 621 USD et 159 738 458,8 USD, mais est toujours en situation déficitaire et ne produit pas, selon les données de l’ITIE, consultées par tsieleka.com. Elle est plongée dans une opacité totale dans le processus de signature des contrats, dénonce un cadre de la société joint par la rédaction de Tsieleka.

Selon certaines sources, 5,300 millions de dollars ont été investis pour la construction de l’usine d’exploitation des rejets de Nizi avec une capacité de production de 270 kilogramme d’or par an, ce qui équivaut à 1,240 millions de dollars par an au prix de 46.000 USD le Kilo. Mais actuellement l’usine ne produit que 1 kilogramme d’or soit 46 000 USD par an. Il faut donc 115 ans pour que l’entreprise récupère son investissement au lieu de 4 ans

Pour l’exercice 2016 le montant versé par SOKIMO à l’Etat à titre d’impôts et taxes s’élève à 521,179 millions de de francs congolais. Tandis que les déclarations des paiements de la SOKIMO à l’ITIE sont de l’ordre de 215, 696 millions de francs congolais. En comparant les deux situations, il se dégage un écart de 305,483 millions de francs congolais.  Toujours à la même période, SOKIMO a payé 69 169 487,00 CDF au titre de l’Impôts sur le bénéfice et profits, alors qu’elle était dans une situation financière déficitaire. En outre, elle a déclaré avoir payé l’IPR de 34 597 089,97 CDF, pendant que le personnel reste impayé de plus de 100 mois, renseigne les données de l’ITIE.

Au regard de l’opacité qui règne dans la gestion de l’entreprise de l’Etat, grâce au plaidoyer de la société civile, le Fonds monétaire international a exigé la publication des différents contrats parmi les préalable à la signature d’un nouveau programme de facilité élargie des crédits.

Face à l’intransigeance de l’institution de Bretton Wood, les contrats ont été publié fin octobre 2020 sur le site de l’Initiative pour la Transparence des Industries Extractives (ITIE-RDC).

Valery Bakutweni

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