La lutte contre la corruption est l’un des piliers phares de la gouvernance de Félix Tshisekedi. Lors de son investiture le 24 janvier 2019, le Président de la République de la RDC avait promis de s’attaquer à toutes les mauvaises pratiques, qui réduisent les recettes publiques. C’est ce qui lui a valu le soutien des nombreux pays occidentaux, dont les Etats-Unis en tête.
Pour matérialiser cette promesse, le 28 mars 2020, le chef de l’Etat Félix Tshisekedi a procédé par ordonnance à la création de trois agences, rattachées à la présidence de la république, dont l’agence de la prévention et de lutte contre la corruption (APLC). Cette structure remplace le bureau de l’ancien conseiller spécial du Chef de l’Etat en charge de la lutte contre la corruption, le terrorisme.
La création de l’Agence traduit la volonté politique de promouvoir un système de gouvernance sous-tendue par les efforts fournis en vue d’accroitre la transparence et la redevabilité dans la gestion de la res publica.
APLC, plongée dans des mauvaises pratiques
L’agence anticorruption, censée lutter contre la corruption a déçu tout un peuple, neuf mois après sa création. Le 10 décembre 2020 deux agents de l’agence de prévention de lutte contre la corruption (APLC) ont perçu une somme de 30.000 USD auprès d’Access Bank à Kinshasa. Alors que l’agence enquêtait sur des faits de blanchiment des capitaux.
Selon l’avocat de la banque Cibambo Amani, ces fonds ont constitué le paiement contre le maintien en détention de 48 heures du directeur général de la banque à l’APLC, sur le montant total demandé de 50.000 USD. “Au terme de la mission régalienne, l’agence anticorruption, n’a pas mandat de percevoir une caution, au risque de s’arroger le rôle du Ministère public”, ont dénoncé plusieurs experts.
L’affaire a suscité des nombreuses réactions dans l’opinion. Son coordonnateur a été arrêté puis relaxé par la justice. Les Ong et les acteurs politiques ont appelé à sa démission. Une demande restée sans suite, deux mois après.
L’Igf politisée, la cour des comptes fragilisée ?
Le contrôle des finances publiques a été marqué par la réorganisation de l’inspection générale des finances (IGF) et de la Cellule nationale des renseignements financiers (CENAREF). Toutefois, ces deux services publics manquent de moyens de fonctionnement. Le premier vit suite à une quotité des recettes perçue par la Direction générale des douanes et accises (DGDA) et l’autre est locataire, sans outils de travail.
En 2020, l’Igf a effectué plus de 30 missions de contrôle des finances, qui ont eu, certes, un effet positif sur la mobilisation des recettes de l’Etat. Après, l’organe supérieur du contrôle s’est lancé dans la traque des adversaires politiques au pouvoir en place. Même si la loi relative aux finances publiques en son article 112 lui confère une compétence générale en matière des finances publiques, ses missions ciblées créent de l’émoi au sein de l’opinion publique. La Ligue Congolaise de Lutte contre la Corruption (Licoco) est sortie de son silence pour appeler la présidence de la République dont elle dépend à ne pas le politiser.
Quant à la Cour des Comptes, le parquet financier demeure non installé, des magistrats travaillent sans prêter serment et sans frais de fonctionnement. Un président intérimaire continue à gérer l’institution supérieure de contrôle des finances publiques.
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Des corrompus et corrupteurs en liberté
Magré sa volontaire de lutter contre la corruption, les congolais ont vu ces derniers jours des personnes impliquées dans des malversations financières en liberté. Benjamin Wenga, Directeur général de l’Office des voiries et drainages (OVD), son collègue de la Société Congolaise de Construction (SOCOC) Modeste Makubuza, ont obtenu une grâce présidentielle. Alors qu’ils étaient condamnés pour détournement de deniers publics, dans le cadre du procès des 100 jours. Les deux n’ont même pas purgé la moitié de leurs peines.
Le Directeur Financier de la société Transco, le Directeur général de l’Ogefrem (L’Office de Gestion du Fret Multimodal), Patient Sayiba et celui du CEEC (Centre d’Expertise d’Evaluation et de Certification) Pascal Nyembo, placés en détention provisoire à la prison centrale de Makala, pour les mêmes faits, sont également en liberté. Quant au Directeur général de Transco, ce dernier n’a jamais répondu aux différentes invitations de la justice.
Par ailleurs, l’ancien Directeur général de la Direction général des Impôts (DGI) Dieudonné Lokadi, placé en détention provisoire dans l’affaire de 100 millions USD des impôts perçus auprès de la société Mutanda Mining (MUMI) en 2015 a été aussi libéré. L’ancien Ministre des finances Henri Yav, cité dans la même affaire, n’a jamais été inquiété. Aujourd’hui, personne ne parle du dossier.
Au niveau du Parlement, les députés nationaux sont achetés à ciel ouvert pour changer de camp politique. L’autorité budgétaire censée contrôler la gestion des finances publiques s’est livrée dans des pratiques, qui ne rassurent plus.
Le procès Kamerhe, directeur de cabinet du président de la république, qui avait donné des signes de lutte contre la corruption, apparaît aujourd’hui comme étant un procès politique au regard de l’image que donne actuellement le pays. Une nouvelle orientation est nécessaire pour améliorer l’image du pays.
Valéry Bakutweni