RDC: Matata Ponyo critique la gestion du cadre macroéconomique par l’administration Tshisekedi

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Photo: Augustin Matata Ponyo, ancien Premier Ministre de la RDC, PCA de Congo Challenge

Egal à lui-même, le Premier Ministre honoraire, Matata Ponyo Mapon n’a pas mis de gants pour décrire la manière dont évolue le cadre macro-économique de la RD Congo. Un cadre macroéconomique frappé de plein fouet par l’instabilité de taux d’inflation et de taux de change.  Indiquant tout de même que la stabilité actuelle est plus cosmétique que réelle, l’homme à la cravate rouge qui a fait une démonstration avec statistiques à l’appui, croit cependant en la capacité du leadership du nouveau premier Ministre et de son Gouvernement, sous l’impulsion du Président de la République à changer le fusil d’épaule. 

Ce que je pense , c’est cette nouvelle approche de l’ancien locataire de l’Hôtel du Gouvernement d’exprimer librement ses pensées pour la bonne marche du pays. Au travers du dernier numéro de la Revue Congo Challenge, Matata Ponyo remet en cause la marche de l’économie congolaise prise dans toutes ses diversités tout en proposant une batterie de solutions quant à ce.  

Ce  que  je  pense est que la stabilité macroéconomique est comme le 36°C pour le corps humain. Celui-ci a besoin d’une température oscillant autour de 36°C pour être au point. C’est la température dite « normale ». En dessous, c’est préoccupant, au-dessus, c’est inquiétant. Dans les  deux cas, le corps humain est incapable de délivrer les meilleurs  résultats, sauf exception. Voilà la première indication dont le médecin a besoin pour s’assurer que vous êtes en forme : la température du corps. C’est l’un des meilleurs symptômes pour alerter l’humain ou le médecin que la machine corporelle va mal et qu’il faut la réparer.

Ce que je pense est que lorsque le corps affiche plus de 37,2°C ou moins de 36°C, c’est qu’il y a dysfonctionnement. Le médecin procède  alors par diagnostic. La Médecine recommande aux spécialistes d’examiner les organes vitaux du corps humain pour connaître leur état par rapport aux normes imposées par le Créateur. Les reins, le foie, le cœur, le cerveau passent aux peignes fins. Il existe des plages au-dessus ou en dessous desquelles le médecin est contraint de déclarer malade la personne en examen. Il faut donc intervenir pour que le corps retrouve sa santé et son potentiel pour bien performer. En économie, c’est la même chose.

Ce que je pense est qu’il existe, comme pour le corps humain, des  indicateurs clés capables de mesurer la stabilité macro-économique,  parmi lesquels le taux d’inflation et le taux de change. Le premier  indique l’évolution des prix intérieurs sur le marché des biens et   services, le second la valeur externe de la monnaie nationale sur le marché de change. Lorsque les prix montent, c’est, selon le degré,  l’inflation ou l’hyperinflation ; lorsqu’ils baissent, c’est la déflation.  Lorsque le taux de change monte (CDF/USD), la monnaie locale perd   sa valeur externe, c’est la dépréciation monétaire. Dans tous les cas de figure, l’économie se porte mal et doit retrouver la stabilité pour mieux performer.

Ce que je pense est que la stabilité macro-économique est la  fondation d’une économie. En effet, autant on veut élever un bâtiment en hauteur et s’assurer qu’il va résister à toute sorte d’intempérie et tremblement de terre, autant on doit s’assurer notamment de la   profondeur et de la solidité de sa fondation. La stabilité des prix  intérieurs et des taux de change balaie les perspectives à court et moyen termes et rassure la population que l’économie fonctionne bien. Les entrepreneurs peuvent alors élaborer leurs business plans et escompter  les bénéfices avec assurance.

La stabilité préserve le pouvoir d’achat du consommateur et le bénéfice du producteur. Elle constitue un facteur  clé de la cohésion sociale. Ne dit-on pas que l’inflation est un impôt tacite qui frappe durement les citoyens, en particulier les gagne-petits ?  Surtout ceux qui touchent leurs revenus en monnaie nationale. La stabilité favorise l’épargne, laquelle conditionne l’investissement, facteur clé pour la production, et donc pour la prospérité.

Ce que je pense est qu’il y a une « vraie » stabilité macro-économique et une « fausse ». La vraie est celle qui permet à l’économie de  fonctionner de manière efficace et de favoriser le développement. La  fausse est plutôt apparente. Elle ne l’est pas du tout, car en réalité, elle détruit l’économie. En effet, la stabilité d’une économie n’est pas une fin en soi. C’est plutôt un moyen indispensable pour atteindre les objectifs de  développement. La vraie stabilité va de pair avec un bon  comportement des principaux indicateurs macro-économiques. 

La  production s’accroît à un niveau soutenable et supérieur au taux de  croissance démographique, la masse monétaire est compatible avec le volume de biens et services en circulation, le solde des finances publiques reste dans les limites acceptables du Produit intérieur brut, permettant ainsi de contrôler la demande globale et le niveau d’endettement intérieur et extérieur, le solde de la balance des paiements demeure dans la fourchette qui permet de consolider les réserves de change et de préserver la valeur externe de la monnaie nationale. Et comme pour le corps humain, il existe en économie des  marges définies par les spécialistes du domaine dans lesquelles doivent se trouver certains indicateurs clés comme le Produit intérieur (PIB), le taux du chômage, la Masse monétaire (M1, M2), le Solde des finances publiques et le Solde de la balance des paiements, pour admettre que l’économie se porte bien ou pas.

Ce que je pense est que l’économie congolaise est rentrée dans une zone d’instabilité du cadre macro-économique en 2017-2018 et de fausse  stabilité du cadre macro-économique en 2019-2020. 

Les taux d’inflation  et de dépréciation monétaire sont restés élevés au cours de la première  période, et relativement bas au cours de la seconde, dissimulant ainsi le mauvais état des principaux agrégats macro-économiques.

En effet, au cours de deux dernières années, l’équilibre sur le marché des biens et  services a été maintenu artificiellement par la compression de la demande globale, notamment par l’accumulation des arriérés des salaires de certaines catégories d’institutions ou structures étatiques   (parfois jusqu’à neuf mois), le non-paiement de certains frais de fonctionnement et la faible part des dépenses publiques d’investissement par rapport aux dépenses totales (7% en 2019 et 3% en 2020). Ce qui étouffe la production. La croissance est estimée à 0,8% en 2020 contre 4,4% une année auparavant. Sinon, en 2019 et 2020, les taux d’inflation annuels  auraient atteint des niveaux de loin supérieurs à ceux enregistrés officiellement, soit 4,38% en 2019 et 16,2% en 2020. 

Le faux équilibre du marché de change procède notamment de l’usage inefficient de réserves de change, de l’utilisation de crédits relais du FMI et appuis budgétaires de la Banque Mondiale et de la BAD pour financer notamment la consommation. Est-ce efficient d’utiliser des devises  empruntées ou reçues en don pour payer une partie des salaires ! Sinon, le taux de dépréciation monétaire aurait été de loin supérieur à celui enregistré au cours des quatre dernières années. Le taux de change serait aujourd’hui à plus de 4.000 CDF/USD. A quoi alors servirait une telle stabilité macro-économique? Une stabilité plutôt politique qu’économique, celle qui tue la production ; en un mot, une stabilité appauvrissante.

Ce que je pense est que certains économistes de la FEC et de la Banque Centrale du Congo ont soutenu plusieurs fois alors que j’étais Premier ministre qu’un taux d’inflation bas étouffe la production. Je n’ai jamais cru à ce fantasme économique et j’ai refusé de les suivre.

Comment un entrepreneur peut-il préférer faire des affaires dans un environnement inflationniste ? Comment un entraîneur peut-il croire que son athlète performait mieux avec une température corporelle supérieure à 37°C ? Après mon départ de la primature, ils ont relâché  les  prix intérieurs jusqu’à un taux d’inflation annuel respectivement  de  43,07% en 2017 et 30,14% en 2018. Malheureusement, la croissance économique les a trahis en s’accommodant à la théorie économique, pour se situer à 3,5% en 2017 et 5,8% en 2018 contre une moyenne de près de 7,0% alors que j’étais en fonction (2012-2016). 

Encore une fois, il a été démontré que le fonctionnement d’une économie obéit aux règles cardinales qui régissent les sciences économiques. Elles ne changent jamais en fonction des titres que l’on peut assumer ou de l’influence que l’on peut exercer à travers les médias.

Ce que je pense est que la vraie stabilité macroéconomique a existé à plusieurs reprises dans ce même pays, notamment de 2012 à 2016 sans crédit relais du FMI ou appui budgétaire de la Banque mondiale et de la  BAD. Les taux d’inflation ont été parmi les plus bas depuis 1960. Une moyenne annuelle de 1,9% au cours de la période considérée (avec 0,8% en 2015) contre une moyenne de 23,4% de 2017 à 2020. Les taux de dépréciation monétaire, en régime de change flottant, ont été parmi  les plus bas de l’histoire économique du pays. Une moyenne annuelle  de 2,15% de 2012 à 2016 contre 19,81% de 2017 à 2020. 

Cette vraie stabilité macroéconomique a permis au pays de réaliser des performances économiques exceptionnelles. Le PIB s’est accru en moyenne de près de 7% (avec un pic de près de 10% en 2014) contre une moyenne de 4,63% au cours des quatre dernières années. Le solde budgétaire cumulé a été de -72,03 milliards de CDF entre 2012 et 2016 alors qu’il est globalement de -241,12 milliards de CDF au cours des quatre dernières années. Le solde de la balance des paiements par rapport au PIB est passé de -14% entre 2012 et 2016 à -24% au cours des quatre dernières années. 

Les réserves de change ont chuté d’une moyenne de 1,4 milliard de dollars américains à près de 800 millions d’USD d’une période à une autre. Les réserves seraient négatives, n’eût-été les interventions directes des institutions financières  internationales.

Ce que je pense est qu’il faut à tout prix rechercher la vraie stabilité macro-économique parce qu’elle contribue efficacement au progrès  économique, et qu’il faut se méfier de la fausse  stabilité macro-économique, celle obtenue sur base des expédients monétaires. A terme, ce type de stabilité est contre-productif. Elle ressemble à celle des années 70-80 avec les ajustements structurels du FMI. Elle se réalisait en défaveur des investissements publics dans les secteurs clés de  l’économie tels les infrastructures, l’éducation et la santé. Tout comme le gouvernement pouvait l’obtenir sur base de maquillage des chiffres à la veille de l’arrivée des missions du FMI pour permettre la conclusion heureuse du programme économique. Qui trompait qui?

Ce que je pense est que la RDC a maintenant besoin d’une vraie stabilité macro-économique, celle avec des taux d’inflation « réellement » bas et des taux de change « sincèrement » stables. Une stabilité qui reflète la santé réelle de l’économie nationale. Une stabilité capable de  garantir un meilleur comportement des agrégats macro-économiques et donc de produire la prospérité du peuple. 

Sous l’impulsion du Président de la République et le leadership d’un nouveau Premier ministre, le gouvernement congolais est capable de le faire, et sans appui financier du FMI, parce qu’il l’a fait entre 2012 et 2016. Au cours de cette période, la RDC n’était pas en programme avec le FMI, mais elle a réalisé les meilleures performances économiques et sociales de son histoire. En effet, selon l’indice du développement humain (IDH) élaboré par le PNUD en 2014, la RDC avait fait un saut qualitatif de 11 places dans le classement mondial des pays, passant de 186ème à 176ème sur 187 pays.  Une première dans l’histoire du classement des pays depuis la création de cette institution, nous a-t-on dit.

Tsieleka.com

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