L’ancien premier Ministre Matata Ponya sera devant la justice dans les prochains jours. La cour de cassation a demandé au Sénat la levée de ses immunités parlementaires, depuis la semaine dernière. Ce dernier est soupçonné d’être présumé auteur intellectuel de la débâcle du projet agro-industriel de Bukanga Lonzo, situé dans la province du Kwango.
Depuis l’annonce de la réquisition du parquet général près la cour de cassation, Matata Ponyo s’est lancé dans une campagne médiatique de victimisation. Tout en oubliant avoir géré les affaires publiques entre 2013 et 2016 et que la justice pourrait l’entendre sur l’un ou l’autre sujet. Trois grandes sorties médiatiques à l’espace de trois pour chercher à attirer la sympathie de la population.
“De Conakry où je me trouve au service de l’Afrique, j’ai décidé d’écourter mon séjour de travail et de rentrer à Kinshasa pour faire face à une justice politiquement instrumentalisée”, a-t-il souligné le 7 mai dernier.
“Je viens d’arriver à Kin pour répondre à la Justice. Je remercie les congolais qui, par amour à la RDC, m’ont prié de ne pas revenir au pays. Je leur dis : par amour à la RDC, certains d’entre nous doivent avoir le courage de braver l’injustice. Les jeunes, surtout, en ont besoin”, a-t-il fait savoir dimanche 9 avril.
Matata Ponyo ne connaît rien !
Selon certaines indiscrétions, le projet Bukanga-Lonzo a été géré par les services de la primature depuis 2013, lors de la phase de conception. Le ministère de l’agriculture n’avait eu aucun mot à dire. Après la récolte de quelques tonnes de maïs, le projet s’est arrêté.
Devant les caméras en novembre 2020, Jules Alingete Inspecteur général des finances (Igf) chef de service avait affirmé que sur les 280 millions USD investis dans le projet Bukanga Lonzo, seuls 80 millions USD ont été réellement utilisés et les 200 millons ont pris une destination inconnue.
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Les conclusions de l’Igf imputent par ailleurs au Premier Ministre honoraire le détournement de 7.392.162.577 CDF, l’équivalent de 7.989.408,08 USD pour l’achat de Ultimate Building Machine pour le compte du parc. Alors que ce paiement n’a pas été reconnu par Africom, qui passait toutes les commandes des équipements, matériels et intrants agricoles. Cet équipement n’a jamais été livré au Parc en considérant le compte-rendu de la réunion de service du 4 mai 2017, présidée par le DG de Parcagri Ida Naserwa.
Dans le même rapport de l’Igf, déposé au procureur général près la cour de cassation, il est aussi reproché au sénateur Matata d’avoir initié et payé à la société Desticlox une somme de 510.883,84 USD au titre des frais de gestion, sans titre ni qualité dans le chef de ce dernier. Pourtant le contrat de gestion avait été confié à Africom. Ce qui apparaît comme un cas de détournement des fonds aux yeux des inspecteurs des finances.
Le rapport de l’Igf est truffé des mensonges
Rentrée à Kinshasa dimanche 9 mai, l’ancien premier Ministre s’est livré à la presse, quelques heures après sa descente d’avion. “Si le respect de la vérité était respecté, on n’allait même pas demander la levée des immunités parlementaires. Le dossier de l’inspection générale des finances est un dossier truffé de mensonges et de contres vérités. Comment peut-on parler des responsabilités intellectuelles pour un dossier, qui a été traité en conseil des ministres”, s’interroge-t-il oubliant que le premier Ministre est le chef du gouvernement et le superviseur principal du programme adopté par le Parlement.
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“Lorsque l’Igf arrive à Bukanga Lonzo constate l’existence d’un équipement. Après vérification, elle suppose qu’elle n’a pas trouvé l’équipement et initie un dossier sur base d’un gros mensonge comme celui-là. C’est très grave. Comment voulez-vous qu’on ne dise pas la vérité?”, poursuit l’homme en cravate rouge.
Et d’ajouter, “un dossier traité en conseil des ministres, on dit que seul le premier Ministre était responsable et les autres ministres? Lorsque le contrat a été signé avec les autres ministres, le premier ministre ne signe pas le contrat.Vous connaissez qui dirige le conseil des ministres aujourd’hui ».
Cette campagne de victimisation est la culture des acteurs politiques congolais. Une fois rattrapés par la justice, ils crient toujours à un procès politique. On en a déjà vu et entendu, pendant le procès des 100 jours. Pourtant, sur le papier il a posé des actes. Même s’il n’est pas auteur principal du détournement, il peut être reconnu comme étant co-auteur. La justice pourrait également établir le fait d’enrichissement illicite, conformément à la convention de l’union africaine contre la corruption, ratifiée par la RDC.
Nombreux entrent en politique pour se servir et non la population. On accède à des postes de responsabilité pauvre et on y sort riche, avec des biens dépassant 10 à 15 fois ses revenus de la période où il occupait une fonction publique. Ce malgré la déclaration des biens conformément à l’article 99 de la constitution. Dans ce cas, Matata Ponyo n’est pas le seul et la justice devrait fouiner d’avantage pour décourager l’enrichissement illicite.
Valéry Bakutweni