Après son entrée en fonction, le Ministre des finances Nicolas Kazadi doit arbitrer un dossier sensible déposé sur sa table. Il s’agit donc de la TVA (Taxe sur la valeur ajoutée) applicable aux opérations d’importation et d’exportation des billets de banques en monnaie étrangère. Les banques affirment avoir été exonérées par la Banque centrale du Congo.
Selon les milieux douaniers et bancaires, le manque à gagner est estimé en termes de milliards de dollars américains, que vient d’enregistrer le Trésor public congolais.
D’après des procès-verbaux établis au mois de septembre 2020 par des inspecteurs judiciaires du Parquet Général près la Cour d’Appel de Kinshasa/Gombe, auxquels s’étaient joints des experts de la DGDA (Direction Générale des Douanes et Accises), il est attesté des soupçons de fraude douanière dans le chef de plusieurs banques commerciales installées en République Démocratique du Congo.
Ce que disent les procès-verbaux
1°) les banques commerciales importent et exportent les billets de banque (devises étrangères), mais sur les déclarations souscrites à la douane, elles déclarent les « timbres-poste et timbres fiscaux ». Ce qui fausse les statistiques du commerce extérieur dont la DGDA dont la DGDA a, suivant l’article 5 du Décret n° 09/43/ du 03 décembre 2009 portant sa création et son organisation, mission d’établir et de publier en se basant sur les données récoltées lors du dédouanement des marchandises.
2°) Les banques commerciales s’acquittent pas la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) à laquelle les opérations d’importations de billets de banque effectuées par elles sont assujetties, conformément à l’Ordonnance-Loi n° 10/001 du 20 août 2010 portant institution de la TVA, telle que modifiée et complétée par l’Ordonnance-Loi n°13/007 du 23 février 2013, spécialement en ses articles 9,15 point 5 et 20.
Les Banques s’opposent à la DGDA
La DGDA rappelle, dans le même ordre d’idée, qu’au regard du Code des Douanes et du Tarif douanier, article 5, point 26, on considère « la marchandise comme toutes choses, sans exception, telles que matières brutes ou ouvrées, denrées, animaux, véhicules, instruments de paiement (monnaies métalliques ou fiduciaires), effets publics, titres de sociétés, originaires ou non de la RDC, commerçables ou non, ayant ou non une valeur commerciale, soumises ou non aux droits et taxes à l’importation ou à l’exportation ».
Elle signale également que “l’Ordonnance-Loi n° 11/2021 du 21 septembre 2012 portant Tarif des droits et taxes à l’importation, telle que modifiée et complétée à ce jour, qui fait la compilation des divers textes juridiques, dont l’Ordonnance-Loi sur la TVA, prévoit le taux de 16 % de la TVA à l’importation des billets de banque, classés à la position tarifaire 49.07.00.90, le droit de douane étant exemptés”.
Face à la démonter de la DGDA, dans une correspondance adressée au ministre des Finances en date du 19 avril 2021, les banques commerciales ne considèrent pas les billets de banque comme des marchandises à soumettre à une taxe douanière à l’importation comme à l’exportation. Elle estime être victime de tracasseries de la part de cette entreprise publique.
La Rawbank soutient que “les billets de banque sont des biens hors commerce. Ils sont importés pour permettre les transactions entre la République Démocratique du Congo et les pays étrangers, dans lesquels se trouvent les comptes bancaires ouverts auprès des correspondants des banques commerciales pour loger les avoirs de leurs clientèles”.
Pourtant, l’importation des billets de banque permet également au pays de faire face aux besoins en devises. C’est pour cette raison que, conformément à la Réglementation de change, le législateur a soumis l’importation des billets de banque au pouvoir exclusif de la Banque Centrale du Congo.
La BCC apporte son soutien aux banques commerciales
Saisie des doléances des milieux bancaires, la Banque Centrale du Congo, dans une lettre datée du 1er mai courant et adressée au ministre des Finances, prend position en leur faveur.
Selon lui, Déogratias Mutombo, l’application de la TVA sur les billets de banque rencontre trois difficultés : d’abord techniques pour la définition de la base imposable; conceptuelle qui tient à la matière même des opérations qui portent sur la monnaie et politique qui est inhérente au coût au regard du rôle de la monnaie dans l’économie.
“La TVA est un impôt sur la consommation des biens et services pour les consommateurs fiscaux. Sa méthode de facturation est difficilement applicable au billet de banque qui est une monnaie fiduciaire, dans la mesure où celui-ci n’a pas de valeur intrinsèque, mais plutôt un cours légal et un pouvoir libératoire”, poursuit-il.
Le ministre des Finances se trouve face à un dossier ultra-sensible, où s’affrontent d’une part la loi, sur laquelle s’appuie la DGDA pour exiger aux banques commerciales de payer la TVA sur les billets de banque importés et d’autre part, une pratique courante d’exonération douanière instaurée par la Banque Centrale du Congo.
Valéry Bakutweni