A travers une table ronde organisée depuis le 19 juillet 2021 à Kinshasa par l’observatoire de la dépense publique (Odep), l’inspecteur général de la santé Komba Djeko a été invité ce mardi 20 juillet 2021 à parler de l’expérience de son institution dans le cadre de contrôle des finances publiques affectées à ce secteur vital.
Le numéro un de l’inspection générale de la santé (IGS) a dressé un tableau sombre de la gestion des ressources financières et matérielles affectées au secteur de la santé. « Il existe un système appelé « kanga makolo ya chef », une forme de corruption selon laquelle, les responsables des entités sanitaires à inspecter demandent à l’inspecteur en mission de rester immobilisé à l’hôtel où il est logé jusqu’à ce que lui-même le gestionnaire lui fournisse les éléments nécessaires sur lesquels porte l’inspection sans que l’inspecteur ne se rende sur le terrain lui-même, cela bien sûr, sous les coûts des billets d’argent », a souligné l’inspecteur général aux participants.
Komba Djeko a fustigé le fait que plusieurs rapports d’inspection transmis aux ministres de la santé ou aux gouverneurs de province selon le cas, ne sont pas suivis des sanctions.
Des campagnes de vaccination pour remplir les poches
Devant l’auditoire, Komba Djeko a fait de grandes révélations sur la gestion des différentes campagnes de vaccination organisées dans le pays. Selon le patron de contrôle du secteur de la santé, l’opacité a pris corps et est même érigé en mode de gestion.
Dans la plupart des cas, les fonds des campagnes de vaccination ou de distribution des moustiquaires imprégnées sont mal utilisés: documents comptables absents, non-respect des procédures de passation des marchés; absence des pièces justificatives; surfacturation des activités programmées.
Suite à cette mauvaise gestion, des factures irrégulières de l’ordre de 11 millions $ ont été rejetées par le fonds mondial et le pays est sommé de justifier ce fonds, a révélé Komba Djeko.
«Au niveau des provinces, si un chef de division de la santé reçoit par exemple 500.000 $, le gouverneur prend généralement 150.000$ et les restes sont partagés par les autres décideurs intervenant dans la campagne et souvent le prestataire de services n’est pas payé », a-t-il poursuivi.
“Notre engagement a des limites”, affirma-t-il. « Si je suis en mission de service, de fois je suis obligé de changer d’hôtel chaque jour, pour ma sécurité ».
Absence des statistiques fiables
Droit dans ses bottes, l’inspecteur général de la santé a fustigé également l’existence des statistiques de vaccination erronées.
« Nos missions de contrôle ont constaté l’absence des rapports d’analyse des données propres à la vaccination; Médicaments <<Kit MAPI>> non disponibles; fiches de notification de MAPI non remplies; fiches de stocks des vaccins et autres intrants non à jour, conditions mauvaises de stockage des intrants secs », a-t-il renchéri.
S’agissant de la chaîne de froid, la RDC ne respecte pas les normes en matière de conservation du vaccin. En avril dernier, une mission de contrôle a noté que les zones de santé de Kabalo et Watsa n’ont pas de matériels de Chaîne de Froid. Et que la norme de conservation de 75° n’est pas respectée dans la majorité des provinces.
Par ailleurs, l’Igs note que 13 médicaments qui sauvent la vie des mères et des enfants prescrits dans de nombreuses provinces ne sont pas de bonne qualité. Ces produits pharmaceutiques respectent à peine 52% la norme maximale requise de 90%. A cela s’ajoute la présence d’un personnel non formé des activités du Programme Élargi de Vaccination (PEV).
Ces révélations de l’Inspection générale de la santé interviennent au moment où le pays fait face à la pandémie de coronavirus. Et que le gouvernement entend lancer une vaste campagne de vaccination: 50.000 doses d’AstraZeneca, 250 milles de Pfizer, 200 milles doses de vaccin Chinois Sinovac et de Johnson & Johnson à hauteur de 26 millions de doses sont attendues.
Pem & Valery Bakutweni