La présidence de la République démocratique du Congo a annoncé mardi 12 octobre la signature de 7 Protocoles d’accords avec les Emirats Arabes Unis à l’occasion de l’Expo 2020 Dubaï. Le président Tshisekedi et le premier ministre Cheikh Mohammed ont décidé donc de renforcer les relations diplomatiques et économiques entre les deux pays.
Selon l’agence de presse des Emirats Arabes Unis, les différents protocoles d’accord signés entre les deux pays visent à faciliter l’assistance administrative mutuelle sur les questions liées aux douanes, le commerce, du tourisme, de l’éducation, de la santé, des infrastructures et des investissements. 1 milliard de dollar d’aide publique a été promis à la RDC, d’après la présidence de la République congolaise.
Le fonds d’investissement annoncé par les Emirats Arabes Unis ne sera encaissé que si la RDC présente des projets à financer, indique une source à la Rédaction. « Comment la délégation congolaise peut-elle voyager sans projet bancable sur lequel devraient se focaliser les discussions d’investissement ? », s’interrogent les experts.
Tenez, des experts des pays de l’Afrique de l’ouest à l’instar du Sénégal, la Côte d’ivoire ou encore le Mali savent voyager. Dans leurs bagages, les délégations disposent des programmes de développement bancables, généralement exhibés aux différents bailleurs de fonds, décrochent des contrats de financement sans détour. Il faut encore du temps et un peu de réalisme pour que la promesse obtenue des Emirats Arabes Unis devienne une réalité. On se souvient qu’en 2019, lors du sommet Russie-Afrique, la société de chemin de fer russe RJD avait signé un contrat de « 500 millions de dollars » avec les autorités congolaises, pour investir dans le réseau ferroviaire. Trois ans après, le projet n’a jamais vu le jour.
Aucun accord sur l’exploitation illicite de l’or
La délégation congolaise n’a pas obtenu un engagement ferme relatif à la lutte contre la commercialisation illicite de l’or. Pourtant, plusieurs rapports d’organisation non gouvernementale ont indiqué que Dubaï est la destination de l’or pillé à l’Est de la RDC. Grâce à la contrebande d’or, le Rwanda par exemple tire près de 1 milliard de dollars l’an. Alors qu’il ne dispose pas des gisements juteux, d’après l’Observatoire de la Complexité Économique (Observatory of Economic Complexity).
L’or du Sud-Kivu franchit clandestinement la frontière qui sépare la RDC du Rwanda, pour ensuite être blanchi au sein de la chaîne d’approvisionnement internationale légitime pendant son exportation vers Dubaï, où il passe pour de l’or d’origine rwandaise.
“L’exportateur transporte l’or dans un pays voisin, par exemple l’Ouganda, le Rwanda ou le Burundi, où il est regroupé. Il peut dès lors être transporté vers une destination internationale où il est affiné. Il peut également être acheté par un affineur local, car des affineries à grande capacité commencent à ouvrir dans la région des Grands Lacs”, expliquent les enquêteurs canadiens dans un rapport publié en septembre 2020.
Il y a quelques mois, Chimpreports, une publication en ligne ougandaise a rapporté qu’au cours d’opérations spéciales ougandaises contre les bases de l’ADF en RDC, les forces ougandaises ont trouvé des cartes d’identité appartenant à des membres de l’armée gouvernementale rwandaise. Il est donc possible qu’il y ait une filière de pillage d’or en RDC et que les opérations prétendument menées par les rebelles ADF soient le fait de forces rwandaises agissant sous cette couverture. Cette zone abrite des mines d’or, notamment celle de Kilo Moto dans l’ex-province orientale.
La présence des autorités congolaises à Dubaï serait donc l’occasion d’agir afin de couper la chaîne de financement des milices. Face à une promesse de 1 milliard de dollars, les congolais auraient fermé les yeux sur la question qui finance la guerre à l’Est de la RDC. “Ils sont allés visiter des mosquées, des sites touristiques”, ironise un acteur de la société civile sous couvert d’anonymat.
Valéry Bakutweni