RDC: Embargo sur les armes : retour sur les propos polémiques du ministre Lutundula [ analyse de J. Wondo]

0
449

Suite à plusieurs interpellations reçues, J. Wondo expert sur des questions sécuritaires a donné une analyse sur la récente déclaration du Vice-premier ministre, ministre des Affaires étrangères, M. Christophe Lutundula Apala. 

Jean Jacque Wondo affirme que  le ministre était resté évasif, et très peu précis dans ses propos à caractère apparemment populiste car il n’a brandi aucune preuve objective tendant à conforter ses propos. 

il constaté par ailleurs que ce genre d’exercice de séduction médiatique, face à la presse, se fait généralement devant une presse profane sur certaines questions spécifiques très techniques. 

Si ce que le ministre Lutundula avait raconté était réellement véridique, il aurait pu s’adresser officiellement, par les canaux diplomatiques appropriés, au Conseil de sécurité des Nations Unies, pour signaler, preuve à l’appui, cette interdiction d’envoi de matériels militaires vers la RDC alors que la mesure actuelle d’embargo ne l’interdit nullement. Ce qui n’est pas le cas actuellement selon les informations à notre disposition auprès de nos contacts aux Nations Unies,” poursuit-il. 

D’ailleurs, en suivant attentivement le Ministre, vous constaterez qu’à la fin de ses propos, il attaque plutôt le fait de notifier l’achat de ces prétendues armes que l’interdiction d’acheminement de ces armes en RDC. Je pense que c’est à ce niveau là que se situe probablement la confusion apportée par le ministre Lutundula. 

A mon avis, il est probable que le fournisseur et/ou le transport de ces armes voulaient les acheminer en RDC en contournant l’obligation de notification au groupe d’experts des Nations Unies et que le ministre n’avait pas cette information. D’où l’importance de s’entourer des experts en la matière et de les consulter avant de se lancer dans de telles déclarations polémiques.” pense-t-il.

Cependant, rien n’empêche les FARDC de s’équiper correctement avec toutes sortes d’armes conventionnelles de leur choix. 

La preuve en est que nous avons récemment vu les militaires congolais exhiber les avions de chasse Sukhoi Su-25 et des hélicoptères d’attaque Mi-24 achetés récemment d’occasion de la Russie. Pour votre information, il ne s’agit pas de vieux Sukhoi vétustes et obsolètes achetés sous Kabila et qui ne peuvent plus voler

Par ailleurs, le 29 octobre 2022, l’ambassade de la Fédération de Russie à Kinshasa a déclaré que son pays avait fourni en début de 2021 un volume de plus de 160 tonnes d’armes et munitions russes destinées aux FARDC. Toutes ces acquisitions n’auraient été possibles si la RDC était effectivement sous embargo. 

Nous savons bien que sous le régime du président Kabila, plusieurs acquisitions d’armes s’opèrent régulièrement via des voies détournées pour contourner l’obligation de notification. 

Les illustrations susmentionnées me semblent suffisamment éloquentes pour prouver que les mesures d’embargo sur les armes en RDC concernent uniquement les groupes armés dont plusieurs sont ravitaillés par les FARDC, le Rwanda et le Burundi (Recherches et enquêtes de terrain menées par Georges Berghezan, mon collègue du GRIP). 

Les déclarations du ministre Lutundula sont à mettre dans un contexte de communication purement politico-emotionnelle et sensationnaliste. Il n’a pas su clairement démontrer, preuve à l’appui, en quoi les armes achetées n’ont pas pu être livrées conformément au régime actuel d’embargo actuel sur les armes en RDC. Est-ce que les fournisseurs et les transporteurs de ces armes se sont-ils conformés à l’obligation de notification imposée à la RDC ? Je n’ai pas entendu un instant le Ministre dire que l’achat de ces armes s’y était conformé. Au contraire, il s’est plutôt embrouillé dans une sorte de langue de bois pour exciter la sensibilité populaire afin de susciter l’émotion des Congolais dans une période de guerre où certains territoires du pays sont occupés par le M23 soutenu par le Rwanda.  

En cette période de guerre, ce genre de discours sensationnalisme est souvent porteur pour masquer certaines difficultés militaires tactiques connues par les FARDC. Le but est de vouloir imputer certaines contre-performances opérationnelles au manque d’équipements militaires alors que nous avons vu des images d’armes lourdes abandonnées par les FARDC à Bunagana, à Ntamugenga et à Rutshuru.

Je pense que tout en plaidant pour une levée de l’obligation de notification qui est imposée à la RDC, le gouvernement congolais devrait relancer de toute urgence la mise en œuvre d’un plan pragmatique de réforme de l’armée afin mieux la professionnaliser, la structurer et la rendre opérationnelle au combat. 

Il devrait en même temps accélérer l’implémentation du plan d’action national de contrôle et de gestion des armes légères et de petit calibre (ALPC). L’objectif est d’éviter que ces armes se retrouvent, comme dans la plupart des cas, entre les mains des groupes rebelles et surtout des groupes terroristes qui écument la partie orientale de la RDC.

Face à la mondialisation du terrorisme islamiste, aucun pays sérieux ne peut se permettre de livrer ses armes à un pays qui n’applique pas strictement les mesures drastiques de contrôle, de traçabilité et de circulation des armes sur son territoire. Sur le plan stratégique, la peur de la plupart des États occidentaux est de voir ces armes livrées à des non-Etats se retrouver entre les mains des Etats voyous. Ainsi, même si on lève l’embargo sur les armes, cela risque de n’apporter aucun changement aussi longtemps que certains pays se comportent de façon peu responsable sur cette question très sensible. Et la RDC n’est pas le seul pays dans ce registre, il y a donc une part de responsabilité énorme dans le chef des autorités congolaises en cette matière. 

Il est enfin à noter, comme le souligne Jean-Michel Dumont : « le Conseil de sécurité des Nations-Unies compte 15 membres, dont 5 membres permanents. Mais aucun membre du CS n’a voté contre ce régime de notification par les pays fournisseurs. Ni les membres africains du Conseil, ni la Chine, ni la Russie. Et si un seul de ces deux derniers pays avait voté contre, ce régime de notification n’existerait plus. Mais tous ces États savent que les FARDC sont une source importante d’armes et de munitions pour les groupes armés qui sévissent dans l’Est, et que le système de notification a été imposé avec succès à de nombreux autres pays dans le passé et encore aujourd’hui par exemple à la RCA ».

Aidons le pays à avancer correctement en faisant intelligemment ce qu’il faut pour le rendre respectable, digne et fort.

JJWONDO

Article précédentRDC: l’imposition de la vignette fiscale va provoquer la hausse des prix des produits locaux de 5 à 10% (FEC)
Article suivantKinshasa: la police nationale retire la publicité Vodacom sur la coupole du stade des Martyrs

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici