Une enquête menée par le Bureau du journalisme d’investigation et Reuters révèle que la vente aux enchères des blocs de pétrole et de gaz de la RDC a été entachée d’un traitement préférentiel apparent et d’ententes secrètes. Des questions majeures ont été soulevées au sujet de la société chargée d’extraire le gaz des profondeurs du lac Kivu.
En octobre de l’année dernière, le ministère des hydrocarbures a annoncé qu’Alfajiri avait franchi la première étape de l’enchère, malgré son manque total de qualifications ou d’expertise pour le travail à accomplir. En effet, Alfajiri n’ayant été créée que 10 mois auparavant, elle n’aurait pas pu fournir les trois années d’états financiers exigés par la loi pour passer à l’étape suivante.
En décembre 2022, des experts du ministère des hydrocarbures de la RDC ont produit un rapport accablant sur Alfajiri, dont TBIJ et Reuters ont pris connaissance. Ce rapport expliquait que l’offre ne contenait pas d’informations essentielles telles qu’un plan de travail ou une étude de faisabilité et que seuls trois des 20 travailleurs supposés s’étaient réellement engagés dans le projet. Dans l’ensemble, Alfajiri a obtenu la note la plus basse des trois sociétés soumissionnaires pour le bloc gazier.
Alfajiri Energy a été créée en janvier de l’année dernière, quelques semaines seulement après que la RDC a annoncé son intention de mettre aux enchères une série de blocs pétroliers et gaziers. Un an plus tard, cette société peu connue a obtenu les droits sur un bloc gazier dans le lac Kivu, qui contient de grandes quantités de gaz qui menacent d’exploser dans l’air s’ils ne sont pas gérés correctement.
Selon l’enquête, au centre de ce processus se trouvait le ministre des hydrocarbures de la RDC, Didier Budimbu, un homme qui a été emprisonné pour fraude en Belgique. Deux sources ayant une connaissance directe de la vente aux enchères ont déclaré à TBIJ que Budimbu avait fait pression sur les experts du ministère pour qu’ils modifient le rapport, truquant ainsi la vente aux enchères en faveur d’Alfajiri. Une troisième source a également déclaré que le processus avait été perturbé. Une quatrième source a déclaré qu’Alfajiri n’avait pas rempli les conditions requises pour remporter le bloc.
Quinze jours à peine avant qu’Alfajiri ne soit annoncé comme soumissionnaire qualifié, le ministre s’était rendu à Calgary où il avait pris la parole avec Christian Hamuli, président et directeur général d’Alfajiri, lors d’un déjeuner destiné à promouvoir les possibilités d’exploitation des hydrocarbures en RDC. D’autres enquêtes sur Alfajiri et son directeur général ont jeté un doute sur les références de la société. Une source impliquée dans le processus d’appel d’offres a déclaré qu’une équipe envoyée au Canada par le ministère des hydrocarbures de la RDC pour évaluer l’aptitude d’Alfajiri a constaté que la société ne disposait pas d’états financiers ni d’espace commercial officiel.
Bien qu’Alfajiri ait été jugée apte à présider le bloc gazier, elle pourrait bien ne pas être l’opérateur final, selon Vincent Rouget, directeur du cabinet de conseil Control Risks. « La valeur réelle pour les propriétaires de ces sociétés ne réside pas tant dans ces blocs que dans la possibilité de les revendre à un opérateur plus important.