La spéculation du taux de change en RD-Congo se porte bien. Malgré les multiples mesures annoncées, ce fléau semble avoir la peau dure. Les nombreuses mises en garde de la Banque centrale du Congo -BCC- n’ont pu réduire l’écart entre la valeur du franc congolais dans l’officiel et sur le marché parallèle qui, au contraire, s’accroît chaque jour. A la 15ème réunion ordinaire du Conseil des ministres, vendredi 27 septembre, la Première ministre a tapé du poing sur la table.
Dans son intervention, Judith Suminwa a déploré la montée de la spéculation sur le marché de change. Cette situation est, selon la Première ministre, «exacerbée par des bureaux de change qui agissent en complicité avec certaines banques commerciales». Sur le marché, un climat de méfiance et d’instabilité s’est installé, donnant lieu à l’expansion du marché parallèle qui «alimente des réseaux mafieux». Un sacré coup pour l’économie formelle au point de détruire le tissu économique.
Face à cette réalité, la RD-Congo court clairement le risque d’être inscrite sur la liste grise du groupe d’action financière -GAFI-, réservée aux juridictions soumises à une surveillance renforcée.
Pour Kinshasa, être placée sur la liste grise signifierait un recul car dénotant des déficiences stratégiques identifiées. Pour ne pas être obligée à réparer ce «stigmate avec des répercussions profondes» sur son image à l’international, la RD-Congo est appelée à trouver rapidement des solutions. C’est ce que compte faire Judith Suminwa pour ne pas compromettre la capacité du pays «à attirer des investissements étrangers».
Mettre fin à la spéculation monétaire permettrait également de capitaliser les efforts de développement durable entrepris depuis quelques mois par le gouvernement. Pour y arriver, la Première ministre a exhorté à une «prise de conscience collective sur l’impact de ces activités illégales sur l’économie nationale». «La précarité monétaire, conjuguée aux agissements souvent obscurs de certains acteurs économiques, appelle à une réaction rapide et efficace», a tonné Judith Suminwa.
Aussi, la cheffe du gouvernement RD-congolais a annoncé des mesures concrètes et ambitieuses «pour réintégrer les opérateurs économiques dans le circuit officiel». En plus de rétablir un équilibre monétaire, ces mesures visent surtout la restauration de la confiance entre l’État, les entreprises et le peuple. Ces mesures vont être examinées dans les deux semaines avant leur entrée en vigueur. Parmi les décisions attendues figurent notamment l’évaluation de la mesure limitant les opérations en cash à 10.000 dollars.
Cette mesure en vigueur depuis quelques années visait la réduction de l’utilisation des fonds non déclarés et le renforcement de la traçabilité des transactions. Cependant, le gouvernement devra trouver un équilibre entre l’attraction des investisseurs privés et la maximisation des recettes de l’État. Conscient de ce défi, l’équipe Suminwa s’attèle également à la création d’un environnement favorable aux affaires mais en s’assurant de protéger les ressources publiques. La Première ministre a également évoqué la nécessité d’une communication transparente autour de ces mesures. «Informer les citoyens et les acteurs économiques des enjeux et des bénéfices de ces réformes est essentiel pour leur adhésion. La transparence doit devenir une valeur centrale de notre économie», a souligné Suminwa.
Mettre fin au blanchiment des capitaux
Dans ce même élan, Suminwa a évalué les actions menées pour lutter contre la fuite et le blanchiment des capitaux alors que le pays est en proie à des défis économiques majeurs. Récemment, la réunion du Comité de conjoncture économique a été élargie à la Cellule nationale des renseignements financiers -CENAREF- et au Département intelligence économique et financière -DIEF- de l’ANR.
Cette démarche voulue par la Première ministre a permis de mettre en lumière les problématiques qui touchent au cœur même de l’économie nationale. Autant d’ urgences qui nécessitent des résultats rapides. Pour y arriver, le gouvernement compte sur la mobilisation collective de tous les acteurs : gouvernants, entrepreneurs, institutions financières et citoyens afin d’atteindre l’idéal d’une «économie plus transparente et responsable».
Si les entreprises sont appelées à adopter des pratiques éthiques et responsables, en s’assurant que leurs opérations respectent les réglementations en vigueur, les citoyens, quant à eux, sont appelés à la vigilance. Clairement, il s’agit surtout d’un enjeu qui dépasse les intérêts individuels et qui touche à l’avenir du pays. «Ensemble, nous pouvons bâtir un avenir économique plus sain, basé sur la transparence et la responsabilité», a-t-elle conclu, convaincue de gagner ce sacré pari.
DL