RDC: Tshisekedi peut-il organiser les élections en 2023, à quel coût? [Analyse]

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Photo: dépouillement des urnes lors des élections de 2018

A deux ans de la fin du mandat du président Félix Tshisekedi, la question de l’organisation des élections de 2023 en République Démocratique du Congo fait débat. Si les réformes tant attendues n’ont pas été amorcées, les acteurs politiques sont déjà divisés sur le respect du délai constitutionnel.

Du côté du parti présidentiel, l’UDPS (Union pour le démocratique et le progrès social), on conditionne la tenue des élections par le recensement de la population pour donner aux congolais une carte d’identité. L’opération nécessite entre 300 et 500 millions de dollars américains, selon les estimations de l’Office national de l’identification de la population (ONIP). 

Toutefois, la sortie médiatique du président de l’organe de gestion des élections à la fin de la semaine dernière a jeté le pavé dans la mare. “Il est possible de tenir les élections en 2023 et le peuple ne nous pardonnera pas”, a-t-il lâché à la clôture de la formation des logisticiens. Corneille Nangaa, arrivé fin mandat, a par ailleurs indiqué que toute la logistique était déjà disponible, rien ne pouvait empêcher la tenue des scrutins.

Des élections à quel coût

Le premier obstacle à l’organisation des élections en République démocratique du Congo est d’abord d’ordre financier. Le pays en a vécu l’expérience entre 2016-2018. Selon les prévisions budgétaires présentées à l’époque par la CENI, 900 millions de dollars américains (USD) étaient nécessaire pour organiser la présidentielle, législative nationale et provinciale et 400 millions USD pour les élections urbaines, communales, municipales et locales. Soit un budget prévisionnel de 1,3 milliards USD. Cependant, 896 millions USD ont été décaissés par l’Etat pour les opérations électorales entre 2014-2019, soit 61,63% des prévisions demandées, révèle le dernier rapport des élections de la CENI.

Les assurances de Corneille Nangaa sur la disponibilité du matériel, qui consomme 52,4% du budget du processus électoral, pourraient changer la donne. On pourrait estimer que cette fois-ci le budget pourrait baisser. A noter, “la CENI a utilisé 502 millions USD pour les scrutins de 2018-2019, dont 432 millions pour les trois scrutins combinés (présidentielles, législatives nationales et provinciales), révèle son rapport général de 2019

Ce document précise par ailleurs que les acquisitions des matériels et de la quincaillerie électorale ont coûté 227 millions USD, soit 52,46%; la rémunération du personnel des opérations 82,6 millions USD, soit 19,09% et la logistique 74,3 millions USD, soit 17,18%”.

Nangaa a-t-il raison?

Si on s’accroche aux statistiques des dernières élections, il y a lieu d’espérer à la tenue des élections en 2023 à moindre coût. Quelques 300 millions USD suffiraient pour que les congolais choisissent pour la quatrième fois leurs dirigeants, en tenant compte de la disponibilité des matériels, comme l’a annoncé Corneille Nangaa à la presse. Y compris 69 millions USD nécessaires à la révision du fichier électoral, si on s’en tient au budget des mêmes dépenses déjà effectuées par la CENI entre 2015-2016.

L’on se souvient qu’entre 2017 et 2018, une provision mensuelle de 20 millions USD était payée pour le compte de la CENI, soit une capacité annuelle de l’Etat de 240 millions USD. Si le décaissement en faveur des élections pourrait suivre cette courbe ou encore être rehaussé à 30 millions USD par mois, il est donc possible de tenir le délai. 

Néanmoins, des inquiétudes demeurent surtout en ce qui concerne le discours anti élection de 2023 en plein essor. En deux ans du président Félix Tshisekedi, le gouvernement n’a mobilisé que 8,3 milliards USD des recettes internes: 4,5 milliards USD en 2019 et 3,7 milliards USD en 2020. Fin janvier 2021, les opérations financières de l’Etat ont connu un solde négatif de 14 millions USD, résultant des recettes de l’ordre de 530,6 milliards de CDF (256 millions USD) et des dépenses de 560,1 milliards CDF (270 millions USD). Ce qui laisserait croire que le gouvernement pourrait mobiliser environ 3 milliards USD en 2021 au regard de la situation de janvier. Et, le parti présidentiel pourrait s’accrocher à cette situation pour motiver sa thèse.

Mais, avec l’embellie des matières premières constatée sur le marché international, dont dépend à 50% le budget du pays, il est possible que les recettes augmentent, si le gouvernement présente un collectif budgétaire à la session parlementaire de mars. Aussi, s’il met en place une batterie des réformes fiscales et réduise le train de vie des institutions. Objectif: augmenter le budget des opérations électorales à 150 millions USD par exemple. Car, chiffré à 43 millions USD dans la loi de finances 2021.

Valéry Bakutweni

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