Depuis un certain temps, nous assistons avec fascination aux interventions des Activistes, Politiciens et Scientifiques sur la problématique du transfert d’eau du Bassin du Congo, que certains n’hésitent pas à associer directement à la guerre de l’eau. Information et désinformation sont bel et bien au rendez-vous, au risque de désorienter la prise de décision de gestion durable des ressources en eau.
A cet égard, le Centre de Recherche en Ressource en Eau du Bassin du Congo (CRREBaC), fort de son expertise sur les questions relatives à l’hydrologie, l’hydrodynamique et la gestion des ressources en eau du Bassin du Congo en général et celles de la RD Congo en particulier, tient à apporter sa modeste contribution pour éclairer l’opinion.
Nous disons que cette contribution, nous l’avons fait valoir à plusieurs occasions dans des forums tant au niveau national qu’international. Au niveau national, nous retiendrons notre intervention de 2018 à la Présidence de la République, sur l’initiative de Mme Marie-France Mubenga alors Conseillère Principale en charge de l’environnement, où les Professeurs Albert Kabasele et Raphael Tshimanga avaient éclairé les membres du Cabinet du Président, sur les défis du transfert d’eau du Bassin du Congo vers le Lac Tchad. Nous notons aussi nos multiples interventions au Conseil Economique et Social (CES), dont la dernière intervention du Professeur Raphaël Tshimanga date du 20 Octobre 2020 sur la stratégie de gestion des eaux du Bassin du Congo.
Cette contribution est axée en cinq partie ci-après :
•Du transfert d’eau du Bassin du Congo : Un problème réel de développement ou un cas de marchandage politique et géopolitique ?
•De la guerre de l’eau ou du paradoxe congolais de la gestion de l’eau : L’Etat congolais meneur de la guerre de l’eau à sa propre population ?
•De la conservation de l’eau ou de l’ignorance caractéristique des principes de base de la gestion de l’eau ;
•Du cadre de gestion des eaux transfrontalières et de collaboration ;
•Apport du CRREBaC à la compréhension de la question du transfert d’eau du Bassin du Congo.
1.DU TRANSFERT D’EAU DU BASSIN DU CONGO : UN PROBLEME REEL DE DEVELOPPEMENT OU UN CAS DE MARCHANDAGE POLITIQUE ET GEOPOLITIQUE ?
Près de 4 décennies se sont écoulées depuis la première proposition sur le transfert d’eau du Bassin du Congo pour ravitailler le Lac Tchad. Les deux dernières décennies se sont caractérisées par une forte pression politique et scientifique sur les dirigeants des pays du Bassin du Congo, et plus particulièrement de la RDC ; les initiateurs du projet Transaqua n’hésitant pas à utiliser les scientifiques du monde aux fins de leurs causes (voir le livre sur le Nexus Climat-Eau-Migrations et Conflits dans le Bassin du Congo, sous presse, édité par Raphael Tshimanga, Michel Bisa et Bernard Lututala).
Quarante ans après, où en est la RDC avec les réponses tangibles à la problématique du transfert d’eau du Bassin du Congo ?
N’est-ce pas une HONTE NATIONALE que les scientifiques Congolais puissent à ce jour divaguer dans les HYPOTHESES INCOHERENTES ET LES DELIRES SCIENTIFIQUES, alors que l’Etat congolais ou mieux les pays du Bassin du Congo devraient avoir une stratégie mise en place pour répondre aux questions régionales de pénurie d’eau, qui du reste devrait être exacerbée par les conditions futures de changement climatique ?
Où sont passés les TDRs de la commission mise en place en 2014 au Ministère de l’Environnement, commission multidisciplinaire sous la direction de l’estimé Collègue Hydrologue, le Professeur Kasongo-Numbi, constituée des scientifiques et experts des Ministères ?
Où est passé ce travail remarquablement fait par les experts congolais et défendu devant les représentants du Gouvernement dans la salle des réunions du Ministères des Affaires Étrangères en 2014 ?
Pourquoi l’Etat Congolais n’a-t-il pas financé les études tel que proposées dans ce travail ?
Qu’a-t-on fait de différents Avis des Experts congolais émis au CES en séances académiques lors de ses différentes sessions de 2018, 2019 et 2020 ?
A la suite des expéditions scientifiques faites par le CRREBaC en 2017, 2018, et 2019, les conclusions des expéditions ont été transmises à la Primature et autres institutions ad-hoc, quelle a été la suite réservée à ces conclusions ?
Non, Non, arrêtons cette distraction honteuse et disqualifions de revenir aux préoccupations qui sont révolues.
Lorsque l’Etat Congolais demeure bien dans sa léthargie légendaire face aux questions essentielles de sécurité et de développement,
lorsque les Scientifiques congolais sont notoirement méprisés et ne bénéficient d’aucun appui à la recherche hydrologique de la part de l’Etat congolais pour promouvoir la gestion durable du Bassin du Congo et améliorer l’accès aux services de l’eau pour le bien être socio-économique, notez : il y a des experts du monde qui y travaillent. Ceux-là qui ont compris que la perturbation du système hydrologique du Bassin du Congo engendrerait les déséquilibres avec des conséquences à l’échelle globale.
Ceci est soutenu dans l’ouvrage intitulé « Hydrologie, Climat et Biogéochimie du Bassin du Congo : Fondation pour le Futur », sous presse dans American Geophysical Union -AGU Wiley, Edité par Doug Alsdorf, Raphael Tshimanga et Guy Moukandi, dont les congolais tels que Professeurs Raymond Lumbuenamo et Jean Marie Kileshye ont contribué à orienter la vision pour le futur. Cet ouvrage bénéficie de la contribution de 106 auteurs/co-auteurs, dont 40 de l’Afrique, 40 de l’Europe, et 26 des Etats Unis, Brésil, Australie.
De tous ces travaux de très haute facture scientifique (un exploit inédit pour le Bassin du Congo), un consensus s’est dégagé sur les conséquences d’un transfert direct interbassins ; le Bassin du Congo représentant un des poumons de l’humanité, la démarche est de le préserver et non le détruire. Ces travaux donnent des réponses aux hypothèses de changement climatique, tourbière, cuvette centrale, la source de l’eau de la cuvette centrale et la façon dont cette eau quitte la zone humide, l’écoulement généré par les pluies historiques, le lien entre le changement climatique et la relation pluie-débit générée par la « ceinture de pluie tropicale », la déforestation et la production d’énergie hydroélectrique, ainsi que la quantité de carbone émise par les eaux du Congo.
Ces travaux illustrent aussi un éventail des problèmes liés aux ressources en eau qui touchent pratiquement la région du Bassin du Congo et pour lesquels des solutions scientifiques efficaces doivent être trouvées.
J’estime donc que les Scientifiques congolais devraient sortir de la distraction du , du binaire « Transférer ou Ne Pas Transférer » – mais plutôt se focaliser sur « La stratégie de gestion durable du Bassin du Congo ». Cette stratégie devrait nous aider à éradiquer le PARADOXE CONGOLAIS DE LA GESTION DE L’EAU. [lire la suite à 11h, heure de Kinshasa]
Prof. Raphael Tshimanga Muamba
Directeur CRREBaC, Expert Hydrologue du Bassin du Congo
Fellow, UK Royal Society& African Academy of Sciences
Inaugural Member, Pan-African Scientific Research Council