L’Inspection générale des finances (Igf) a rendu public mercredi 15 février 2023 son rapport d’audit de mise en œuvre du contrat chinois. L’organe supérieur de contrôle dresse un tableau sombre de la mise en œuvre du contrat infrastructure contre minerais conclu entre la République démocratique du Congo et la Chine en 2008.
Ce rapport intervient après appels de la société civile et des occidentaux appelant à la révisitation dudit contrat. Même si le Gouvernement a plusieurs fois manifesté son intention à renégocier ce gros contrat, en pratique rien n’a encore bougé jusque là.
Ci-dessous, en 11 points les grandes conclusions de l’inspection générale des finances :
1. La constitution de la SICOMINES en 2008 a été effectuée en violation de l’article 1er de l’Arrêté Royal du 22 juin 1926. Le capital social non proportionné à l’objet de la société et non indication des gisements miniers comme apport de la partie congolaise. USD 100.000.000,00 fixés par le GEC (groupe d’entreprises chinoises) étaient très insuffisants et donc disproportionnés à l’objet social.
2. Aucune évaluation des gisements miniers apportés par la GECAMINES S.A n’a été faite et donc, défaut d’intégration de la valeur dans le capital social : alors que sa consistance minimale était connue et reprise en annexe A de la Convention du 22 avril 2008 et annexe B de la convention de Joint-Venture de la même date : 10.616.070 t/cu et 629.619 t/co valant USD 90.936.120.000, aux cours du jour de la conclusion de la convention.
3. Caractère arbitraire, discriminatoire et illégal de la fixation ainsi que de la répartition du capital social à USD 100.000.000,00 à raison de 68% des parts pour le GEC et 32% pour le Groupe Gécamines. On a fixé ce capital à USD 100.000.000,00 (alors que SICOMINES détenait des actifs de USD 90.936.120.000,00) et on a décidé que les entreprises chinoises auraient 68% des parts contre 32% pour la partie congolaise. Les chinois apportaient USD 68 millions et prêtaient à la GECAMINES S.A USD 32 millions qu’elle a, du reste, remboursés avec intérêts de USD 10.979.566,00 par des retenues sur ses dividendes.
4. Important déséquilibre financier au détriment de la RDC entre les avantages octroyés à la partie chinoise et les engagements à sa charge ainsi que les gains attendus par la partie congolaise : USD 90.936.120.000,00 aux chinois contre des engagements à leur charge de USD 6.2 milliards, soit un gain pour les chinois de USD 84.736.120.000,00 auquel devront s’ajouter les exonérations fiscales et douanières estimées provisoirement aux taux les plus faibles à USD 2.163.623.850,15. Même en déterminant la valeur actuelle nette (VAN) sur base des éléments retenus dans l’Etude de Faisabilité de 2021, la VAN est de USD 76.573.723.516,28 qui constituent le gain en faveur de la partie chinoise parce que la VAN implique la déduction des CAPEX et OPEX du chiffre d’affaires. USD 76 milliards de gain pour la partie chinoise contre 3 milliards d’infrastructures pour la RDC
5. En six ans, soit de 2016 à octobre 2022, SICOMINES a décaissé, à partir d’un de ses comptes à l’étranger, en l’occurrence le compte principal n° 100001700001077 logé dans les livres de BANK OF CHINA DUBAI BRANCH, un montant total de USD 9.677.613.625,15 en faveur des entreprises chinoises et d’elle-même pour diverses raisons non étayées. Cas illustratifs de ‘’sales return’’ pour USD 1.564.280.538,68, « contract payement » pour USD 1.506.989.864,14 et des autres opérations de débit sans indication du motif pour USD 3 827.943.282,32.
6. Manque de visibilité et d’impact des travaux exécutés et leur sélectivité injustifiée en violation de l’annexe C de la Convention du 22 avril 2008. Travaux éligibles exécutés : USD 534 902 461,66 Travaux non éligibles exécutés : USD 287 287 598,42
7.Faiblesse criante et modicité des investissements des infrastructures : SICOMINES a mobilisé, en 14 ans, des financements d’un montant total de USD 4.471.588.685,14 et n’a consacré que USD 822.190.060,14 pour le financement des travaux d’infrastructures, soit 18,38% du financement total mobilisé
8. Aux termes de la convention de collaboration et de la convention de Joint-Venture, il revenait au GEC de mobiliser les ressources pour le financement des investissements miniers et d’infrastructures (pour USD 6,2 milliards) ressources dont le remboursement devait être assuré par la SICOMINES. Au lieu de cela, c’est la Joint-Venture SICOMINES qui s’est endettée, à hauteur de USD 3.341.948.821,85 pour financer et les investissements miniers et les infrastructures. Mais en même temps, elle s’est payée à elle-même, de 2016 à octobre 2022, USD 5.464.880.564,06 sur son compte principal de DUBAÏ au profit d’un ou d’autres comptes non encore identifiés;
9. Défaut de rapatriement des recettes d’exportation et amendes de 5% dues par SICOMINES : Suite à une interprétation erronée des stipulations conventionnelles consacrant la liberté de transfert des fonds, SICOMINES n’a pas procédé au rapatriement des recettes d’exportation d’un total de USD 2.004.167.489,24 sur la période allant de 2016 à octobre 2022. Elle doit à ce titre des amendes de 5%, soit USD 100.280.374,46
10. Imbroglio entretenu dans les périodes de remboursement des investissements Cet imbroglio a servi à la réduction du montant des investissements des infrastructures de USD 6,5 milliards à USD 3,0 milliards. L’article 12 de la Convention a prévu que pendant la deuxième période, le total du remboursement ne devait pas dépasser USD 3 milliards en principal. C’est curieux. On a vraisemblablement voulu retarder le remboursement et donc l’apurement de la dette de la RDC vis-à-vis des investisseurs chinois ;
11. Paiement irrégulier et injustifié de 4,8% des montants des travaux au titre de « Somme à valoir » : Pour tous les travaux signalés par l’Agence Congolaise des Grands Travaux (ACGT), ces frais s’élèvent à USD 37.256.434,59. La légalité d’un tel prélèvement et la destination donnée aux fonds ainsi collectés posent problème. C’est donc vraisemblablement un moyen de se rémunérer autrement.